Focus : Pharmacopée traditionnelle et Aires Marines Protégées en Afrique de l’Ouest : concilier enjeux écologiques,  besoins sociaux et savoirs traditionnels

L’Afrique de l’Ouest, avec ses côtes étendues et ses écosystèmes marins riches, abrite un nombre important d'Aires Marines Protégées (AMP). Ces AMP jouent un rôle crucial dans la conservation de la biodiversité marine et la protection des habitats vulnérables. Elles sont également essentielles pour la préservation des savoirs traditionnels liés à l’utilisation des ressources naturelles, notamment la pharmacopée traditionnelle.

Cette dernière, bien que moins connue et évaluée parmi les services écosystémiques des AMP, occupe une place de choix, dans le patrimoine culturel et de la biodiversité de la région.

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D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, 75% des habitants des zones enclavées ouest-africaines privilégient l’usage de plantes médicinales comme principal moyen de soin,  y compris des affections endémiques telles que le paludisme ou la tuberculose (Ouédraogo et al., 2021, Popoola et al., 2022 ; Dori et al., 2019).

Cette tendance ne s’explique pas seulement par des raisons économiques ou un accès restreint aux établissements de santé modernes, mais elle reflète également une valorisation de la médecine traditionnelle en tant que qu’élément intrinsèque de l’identité culturelle et des pratiques ancestrales des communautés (Pordié, 2002 ; Du Toit, 1979).

Toutefois, l’interaction entre les stratégies de conservation des aires protégées et des pratiques traditionnelles d’utilisation de la pharmacopée est caractérisée par des frictions.  D’une part, les acteurs chargés de la conservation de l’environnement cherchent à établir un environnement écologiquement durable, et d’autre part, l’exploitation traditionnelle de la pharmacopée est ancrée dans des pratiques culturelles locales qui sont souvent en désaccord avec les principes de conservation (interdiction de la coupe et du sectionnement d’arbres, restrictions sur le ramassage des plantes).

Plantes médicinales et AMP : un sanctuaire pour la pharmacopée traditionnelle en Afrique de l’Ouest

Dans les AMP d’Afrique de l’Ouest, la pharmacopée traditionnelle est étroitement liée à la richesse de la biodiversité végétale. Des plantes telles que Khaya senegalensis, Adansonia digitata (baobab) et Acacia seyal jouent un rôle crucial dans la médecine traditionnelle des communautés locales. Le Khaya senegalensis, par exemple, est réputé pour ses propriétés antipyrétiques et anti-inflammatoires, tandis que le baobab est utilisé pour ses vertus nutritionnelles et médicinales, notamment dans le traitement de la diarrhée et des troubles gastro-intestinaux.

L’acacia seyal, quant à lui, est apprécié pour ses effets astringents et sa capacité à traiter les affections cutanées. La préservation des AMP garantit la protection de ces espèces végétales précieuses, assurant ainsi la pérennité des savoirs traditionnels et l’accès aux premiers soins pour les communautés locales. 

Défis et perspectives

Les défis et perspectives de la pharmacopée traditionnelle dans les AMP en Afrique de l’Ouest sont multiples. La pharmacopée traditionnelle, essentielle pour les besoins sociaux et économiques des communautés locales, est confrontée à des réglementations restrictives depuis l’instauration des premiers Parcs Nationaux dans les années 2000.

Ces réglementations limitent l’accès et interdisent l’exploitation et la commercialisation des plantes, mettant en péril l’accès aux soins de santé et la préservation du patrimoine culturel.

Pour concilier la préservation de la biodiversité avec les besoins socio-culturels des communautés, il est crucial d’adopter des politiques plus flexibles tenant compte des réalités sociales. Il pourrait être envisagé l’instauration de licences de récolte des plantes médicinales et la création de zones tampons réglementées pour l’exploitation.